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" Sage ! Tu peux me dire ce que tu fabriques là haut ? " Elle posa ses poings sur ses hanches, levant un regard furieux vers son jeune fils perché sur une branche. Ce dernier fixait le sol, la mine torturée. Une étincelle de soulagement illumina son regard lorsqu'il s'aperçut que la cavalerie était arrivée. Il avait ses deux petites mains fermement agrippées à la branche et pourtant cela ne les empêcha pas plus de trembler.
" Je... Je suis coincé ! " s'écria le jeune garçon. Le cadet des Miwhayl avait réussi à se percher aussi haut, sans doute trop exalté par son ascension pour imaginer le vertige qui le prendrait lorsque le moment de redescendre viendrait. Il aperçut sa grande soeur (la plus âgée des trois, sa préférée) se tenant aux côtés de sa mère. Cette dernière soupira, passant une main lasse dans ses cheveux avant de laisser sa fille gérer la situation. Ou plutôt de tous les problèmes que lui imposait Sage. Qu'allait-elle faire d'un tel enfant ?
Elle tendit les bras, lui enjoignant de sauter tout en promettant de le rattraper. Il déglutit et ferma les yeux avant de s'élancer. Grande soeur tenait toujours ses promesses. Sa petite main perdue dans la sienne, elle l'entraîna vers la maison tout en l'époussetant.
" Regarde dans quel état tu es ! " s'exclama t-elle d'un ton partagé par l'exaspération et rigolade. Elle s'humecta le bout des doigts afin de mieux essuyer les traces de terre incrustées sur son visage (il grimaçait, erk, qu'il détestait ça), et bientôt ses deux autres aînés vinrent les rejoindre.
" Mais où étais-tu ? " s'écria l'une,
" Et qu'as-tu fais surtout, tes vêtements sont déchirés et si... sales ! " renchérit l'autre. L'intéressé fixait ses chaussures d'un air coupable, si seulement on pouvait le laisser s'expliquer ! L'aînée s'agenouilla en face de lui, retirant le tee-shirt crasseux de son frangin,
" Tu imagines si papa te voyait comme ça ? " argua t-elle. Lentement, du bout des doigts, un frisson effleura sa colonne vertébrale.
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(16)Il boutonnait d'une main experte les boutons des manches de sa chemise. D'ici cinq minutes, elles allaient arriver pour passer au peigne fin chacun de ses vêtements et chacune de ses manières. Relevant la tête, il croisa ses yeux glacés dans le miroir. Sage replaça une mèche de cheveux bouclés avant d'esquisser un sourire. Ça devrait le faire. Il ferma les yeux, écoutant les bruits de pas précipités marteler le parquet en la direction de sa chambre. Ils s'arrêtèrent sur le pas de la porte et il imagina une main gracieuse frapper délicatement le bois de son entrée. Sans plus se forcer à sourire, il tourna la poignée, les accueillant d'un geste de la main. Les deux soeurs surgirent comme une tornade, elles passèrent en revue ses valises, vérifièrent ses papiers, touchant à tout de la manière la plus agaçante possible. Sage ne les regardait même pas, le regard tantôt perdu par la fenêtre tantôt relevé vers le plafond en signe d'irritation. Toujours dans le silence. Puis l'aînée fit son entrée.
" Tout est bon pour nous ! " jetèrent les deux femmes venant s'asseoir sur son lit. Elle hocha la tête en signe de satisfaction et fit signe au cadet de s'approcher. Posant une main sur son épaule, elle inspecta sa chemise, son pantalon, ses chaussures. Le frère était tout vêtu de noir, le dos droit, les épaules alignés et la tête relevée. Son regard flegmatique accrocha celui de sa soeur, Sage ne prenait pas la peine de masquer pas son agacement : C'est pas bientôt finit ? criaient ses yeux d'insolence.
Satisfaite, l'aînée conclut leur inspection d'un sourire. Le cadet des Miwhayl avait remplit ses obligations. Ses yeux dérivèrent sur le côté alors qu'elle cherchait un moyen de dissimuler son émotion des yeux attentifs de son frère. Si cela ne tenait qu'à elle, elle l'aurait fait patienter deux ans encore avant le laisser s'envoler pour Stonehenge. C'était trop tôt, il était si jeune ! Elle posa sa main sur sa joue. Elle s'attendait encore à devoir l'aider à redescendre d'un arbre ou le voir courir dans le jardin à la poursuite des oiseaux. Sage était doué avec la magie, un peu trop à son goût... et maintenant il quittait une famille qu'il détestait probablement, à seize ans. Elle s'éclaircit la voix.
" J'ai quelque chose pour toi. " dit-elle en sortant le bijou de la poche de sa robe. Elle accrocha le talisman sur l'oreille de son frère avant de le pousser vers le miroir. Il haussa ses sourcils de surprise. Ses doigts virent se glisser entre les plumes noires chatouillant son cou, survolant le dragon épousant le cartilage de son oreille.
" Allez, tu vas manquer le train. Pas trop de bêtises hein. "☾☾☾☾☾ ❈ ☽☽☽☽☽
(23)
" C'est fini Sage ! " Assiettes et verres traversaient la pièce. J'esquivais, me frayant un chemin à travers le salon. Elle était absolument furax, sans aucune raison en plus ! J'avais dans l'espoir qu'elle me piquait juste une crise de colère mais sa voix vibrait de haine sincère. Je tentais de me rapprocher,
" Je... Tu peux pas faire ça comme ça, on... " Elle me repoussa violemment.
" T'abuses, vraiment ! " cria t-elle. S'ensuivit une liste ( non-exhaustive ) de mes défauts, mes bizarreries et, bref, mon procès avant l'heure. Je ne répondis rien, me contentant de faire profil bas en espérant que la tempête passe avant le retour de notre-
" Papa ? Maman ? " Je fermai les yeux avant de fusiller Karin du regard en guise d'avertissement. Je n'avais pas l'intention de le mêler à tout ça. Me tournant vers l'enfant je me baissais à sa hauteur, prenant le temps d'adoucir ma voix.
" Déjà rentré toi ? Fais attention, c'est miné de bout de verre ici. " Il me considéra avec de grands yeux écarquillés, emplit de questions tacites.
" Va dans ta chambre le temps qu'on range tout ça, d'accord ? " J'esquissai un sourire rassurant, bon dieu ce que je détestais l'idée de lui infliger nos disputes. J'entendis Karin derrière moi s'élancer vers lui, elle traversa la pièce en moins de deux et le pris dans ses bras. Je me redressai, quelque part content que l'apparition de notre fils nous ait arrêté. Elle se tourna vers moi, la cruauté dans ses yeux me glaça le sang.
" J'me casse Sage. Et il restera avec nous, compte là-dessus. " Il me fallut quelques secondes pour comprendre ça, qui était "il " et qui était "nous". Elle avait déjà passé la porte d'entrée, avec lui.
" C'était pas toi le mec de Karin ? " Je tentais vainement de chercher un peu de sang froid dans mes vecteurs tremblant de haine. Son visage se décalquait sur le visage de celui qui les avait attirés loin de moi. Je lui en rejetais l'entière responsabilité sans hésiter. Je le hais.
" Il est mignon le petit, très futé pour son- " " Ta gueule. " Mes poings étaient serrés à m'en faire blanchir les jointures des phalanges. Je sentais mes ongles s'incruster dans ma paume, déchirant ma peau. Je le hais.
" Tu sais, si t'étais pas aussi... incontrôlable, tu pourrais obtenir la gar... oh hey, calme t- " Je savais que je perdais à nouveau le contrôle, mais il était trop tard pour y repenser. Dans un hurlement de rage, moi et mes quatre vecteurs nous étions jetés sur lui. Personne n'avait rien pu faire, pas même moi.
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(40) Il perd la notion du temps. Des années qu'il enseigne et étudie dans cette université. S'il pouvait, il aurait sûrement lâché ses heures de cours et se serait enfermé dans son bureau. C'est ce qu'il aime dire, avec sérieux, amusement et ennui dans ses yeux... quand ses élèves deviennent aussi insupportable qu'il avait pu l'être auparavant. Mais dans le fond, à Stonehenge, il s'y sent bien.
(41) La fièvre de Morgane l'emporte. Sage travaille de force pour le département scientifique. Il s'enferme et est enfermé dans ces immenses laboratoires. Sa conscience erre le jour au milieu des calculs, des expériences, des déceptions, et des surprises... et se perd la nuit dans l'alcool, la morphine et l'insomnie. La folie de Morgane est contagieuse. Plus le temps passe, plus l'évidence s'impose ; Sage n'a plus toute ta tête. Non. Il la partage avec quelqu'un d'autre. Quelque de différent. Quelqu'un dont-il n'a pas la moindre idée de son existence. Babylone.
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